De l'utilité de la critique de cinéma

Le critique idéal, c'est celui qui pense comme vous. Le critique idéal n'existe pas.
Le critique utile, c'est celui que l'on connaît. Mieux on le connaît, plus son avis est utile.
Et on le connaît par ses critiques.

Matrix, Matrix reloaded et le troisième que je ne verrai pas


Matrix (le premier de la série) est une grande réussite. L’absence totale de réalisme trouve parfaitement sa justification, des effets spéciaux très créatifs aux costumes caricaturaux (le costume-cravate-lunettes noires pour un camp, la panoplie cuir sophistiquée-lunettes noires pour l’autre). La révélation de la véritable nature de la matrice est une vraie surprise, qui éclaire la première partie du film et lui donne sens. Le monde révélé - le vrai - est juste esquissé, et donc plus abstrait et irréel que la matrice, et c’est une bonne chose : le récit ne s’éparpille pas, et l’intrigue peut progresser. La thématique de l’élu, pas très originale, est traitée ici avec nuance, ce qui rend le récit captivant jusqu’à la fin. La grande réussite de Matrix, ce qui rend le film passionnant et unique, c’est le procédé par lequel le groupe de rebelles se redéfini pour habiter la matrice. La manière dont ils choisissent de s’incarner dans le monde virtuel, leur style - look, armes, comportement - est présenté comme un absolu de l’attirail du rebelle. Ces options, très sensuelles, gothiques et design, pourraient être toutes autres, militaro-punk ou sauvage-hippie, que sais-je, Massaï, aborigène… Mais non, le rebelle des frères Wachowski est un biker-cowboy moulé de cuir qui pratique le kung-fu et le maniement des armes à feu, parfaitement intégré à la pensée dominante du film d’action, entre citation des westerns spaghetti et frénésie venue de Hong Kong. Intégré, et même dominant. C’est un rebelle qui se situe en haut de l’ordre social, et pas vraiment en marge. Comme si les résistants n’assumaient pas leur marginalité - ce qui mène à la trahison pour l’un d’entre eux. Quand un film d’action efficace se nourrit de questionnements existentiels, quel plaisir !
Mais quelle erreur d’avoir cédé à la tentation des suites ! L’intrigue de Matrix reloaded, tarabiscotée et incompréhensible, ne mène nulle part, les combats sont des copies artificiellement gonflées de ceux du premier film, Keanu est habillé comme Don Camillo, on nous refait le coup des prophéties et des oracles. Mais si ce n’était que cela, un peu du plaisir du premier film pourrait encore être trouvé. La grosse erreur, c’est d’avoir représenté le monde réel. Du statut de cité mythique, on tombe à celui de cavernes post-apocalypse peuplées de mannequins suants au rythme d’une musique techno-tribale. C’est Ibiza ! Avec par là-dessus un genre de gouvernement, des amiraux, façon Galactica - la guerre des étoiles du pauvre - sauf qu’on est pas dans l’espace. En fait, on ne sait pas où on est. Le monde réel est absolument incompréhensible ! Je dois dire que j’ai beaucoup rigolé à la vision de Matrix reloaded, mais le deuxième degré, à force…

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