De l'utilité de la critique de cinéma

Le critique idéal, c'est celui qui pense comme vous. Le critique idéal n'existe pas.
Le critique utile, c'est celui que l'on connaît. Mieux on le connaît, plus son avis est utile.
Et on le connaît par ses critiques.

Gladiator et Kingdom of Heaven


Pourquoi donc Gladiator est-il une réussite, et pas Kingdom of Heaven. Le temps des croisades ne vaut-il pas celui des César ? La destinée du général romain devenu gladiateur est-elle plus vraisemblable que celle du forgeron devenu chevalier ? La maestria narrative de Ridley Scott ne saute-t-elle pas aux yeux (corps-à-corps stylisés à l’extrême, magnifique exposition des stratégies militaires, beauté des compositions) ? Les contextes ne sont-ils pas également riches en figures historiques qui donnent aux péripéties une profondeur particulière, une véracité poignante (Marc-Aurèle, Salladin…) ? Les acteurs ne sont-ils pas parfaits ? Ah ! Non ! Ils sont tous parfaits sauf un. C’est pas qu’il joue mal, Orlando Bloom, ni même qu’il manque de conviction. Il n’est simplement pas assez intéressant pour que Ridley Scott lui consacre un plan fixe, une respiration méditative, un espace d’inactivité. Il ne l’inspire pas. Donc il le fait cavaler, crier, pleurer, pourfendre, creuser des puits, séduire une princesse, sans jamais mettre en valeur son épaisseur psychologique. Qu’il n’a d’ailleurs pas. Le succès planétaire du Seigneur des anneaux l’a catapulté en tête de liste des espoirs du film d’aventure parce qu’on a confondu le personnage de Legolas et l’acteur qui l’incarnait. Mais Legolas est si fabuleux que n’importe qui aurait été génial ! Russel Crowe peut se permettre de ne presque rien dire en regardant le ciel, il est passionnant. Il incarne avec densité Maximus, le général devenu esclave, tandis que le forgeron Balian reste une enveloppe creuse, même chevalier, même sauveur de Jérusalem, qu’il cavale à travers les champs de bataille, qu’il crie du haut des remparts, qu’il pleure sur le Golgotha ou qu’il pourfende les sarrasins.

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