De l'utilité de la critique de cinéma

Le critique idéal, c'est celui qui pense comme vous. Le critique idéal n'existe pas.
Le critique utile, c'est celui que l'on connaît. Mieux on le connaît, plus son avis est utile.
Et on le connaît par ses critiques.

Miami Vice (2006)


Revisiter sa propre mythologie, c'est risqué. J'attendais beaucoup de cette mise à jour de la série par son propre créateur. Je suis déçu. Avec ses défauts évidents, qui sont les défauts des années 80 - des fautes de goût - cette série policière a renouvelé le genre. On y trouve déjà ces plans urbains abstraits et méditatifs, ces chutes de tension, ces accélérations, et aussi ce sens du récit, qui font de Michael Mann un grand cinéaste aujourd'hui.
La version 2007 offre une image haute définition saisissante, dont Mann tire des plans magnifiques, des fulgurances visuelles. Mais sur le fond, qu'apporte-t-elle ? Le scénario est à la fois complexe et dérisoire, et manque singulièrement d'ampleur alors qu'il s'emploie à nous balader de site en site par tous les moyens de transports imaginables (dont les fameux bateaux ultra-rapides, véritables signatures de la série). Jamie Foxx incarne bien Tubbs, mais il n'a pas grand chose à jouer : le personnage-clef reste Sonny Crockett, frimeur cool avec fringues et bolides de luxe nécessaires à son rôle d'infiltré, subissant des vagues de dépression et d'excitation liées à sa double identité. Avec le recul, la prestation de Don Johnson paraît indépassable. Il était totalement Sonny. Nonchalant et fiévreux, il incarnait l'esprit de la série, ce spleen cocaïné d'accélérations frénétiques, cette urgence paranoïaque à ne pas être découvert. Ses aspects suicidaires aussi.
Colin Farrel concentre son intensité, il fait ce qu'il peut, mais même si l'idylle suicidaire colle au personnage, jamais il n'exprime la schizophrénie originale. Son Sonny n'est pas Sonny. Et Miami Vice reste un petit film d'action, splendide visuellement, mais bien loin du niveau de son auteur.

Collateral


L’univers de Michael Mann, toujours singulier, extrêmement stylisé : une réussite à chacun de ses films. En ce qui concerne l’histoire, c’est variable : les grands sujets (Révélations), les drames épiques (Heat), le souffle du récit (Le dernier des mohicans), tout ça convient bien à l’ampleur du style. Quand le sujet est plus ténu, la mise en scène tourne un peu à vide. C’est le sentiment que laisse Collatéral, surtout dans la deuxième partie. Le début du film est très beau, énigmatique, majestueux. Mais une fois le système mis en place, les péripéties restent dans le système, et la fin est difficile à gober.

Heat


LA rencontre Pacino - de Niro. Pas impressionné par ses deux stars, Michael Mann les intègre dans un thriller funèbre très stylisé, très maîtrisé. En filmant le criminel comme un expert consciencieux et le policier comme un mafioso survolté, il permet le rapprochement au cours d’une scène presque anodine, pivot du film, après laquelle se déchaîne la fatalité. La mécanique du scénario est implacable, tous les acteurs sont impeccables, même Val Kilmer. L’imbrication des histoires personnelles, intimes, familiales, à la trame policière est parfaitement réussie et n’affaiblit jamais le rythme de la narration. C’est d’une grande beauté. Un chef-d'œuvre.